L'actus
du Pro Bono
Mutualiser les compétences en Territoire
L’association Pro Bono Lab a impulsé en 2021 le lancement d'une nouvelle expérimentation : les Fonds de Compétences. Un an après, nous faisons le point.
Manon Philippe
5 août 2022
Les associations jouent un rôle essentiel dans la construction d’une société plus solidaire et inclusive. Confrontées à d’immenses défis (baisse des subventions publiques, concurrence dans la recherche de fonds privés ou vis-à-vis de la commande publique, évolution de l’engagement bénévole etc.), 82% des associations disent avoir besoin de compétences mais peinent à mobiliser face à des volontaires qui cherchent des modalités d'engagement toujours plus flexibles et ponctuelles.
En 2019, une étude sur l’accompagnement des associations faisait apparaitre la "recherche et le recrutement de nouveaux bénévoles" comme le deuxième sujet en attente d’accompagnement derrière la recherche de financements avec 47% des sondés. Plus du tiers des associations exprimaient également leur souhait d'être accompagnées dans la mise en relation avec des bénévoles potentiels ou dans la mise en place de mécénat de compétences.
Dans le même temps, nous observons que les pratiques de bénévolat et de mécénat de compétences restent encore méconnues du grand public. Le dernier panorama du pro bono paru en 2019 montrait ainsi que moins de deux français sur cinq avaient déjà entendu parler de bénévolat de compétences et moins d’un sur trois de mécénat de compétences.
La coopération territoriale comme levier de développement du mécénat de compétences au profit des petites et moyennes associations
Partant de ces constats, l’association Pro Bono Lab a souhaité expérimenter, dès 2021, en région Provence-Alpes-Côte d’Azur, la création d’un Fonds de Compétences.
Ce programme partenarial et territorial vise à démocratiser les pratiques du bénévolat et du mécénat de compétences et à les rendre accessibles aux petites et moyennes associations locales.
En impulsant de nouvelles formes de coopérations et de solidarités de proximité, il entend également favoriser l’engagement des petites et moyennes entreprises en leur proposant un cadre propice à leur passage à l’action. En ligne de mire : la structuration d’une capacité collective à qualifier le besoin en compétences des associations et à le diffuser le plus largement possible pour accroître les chances d’y apporter une réponse.
Bien que les données consolidées manquent sur le sujet*, nous partons du postulat que le partage de compétences a un impact positif pour l’association, pour les bénévoles mais également pour le territoire, en tant que facteur de création de liens et d’accroissement de sa résilience.
L’expérimentation du Fonds de Compétences repose ainsi sur l’hypothèse que l’impulsion d’une dynamique collective autour du partage de compétences est un facteur déterminant pour son développement et à sa plus grande accessibilité aux associations.
Nous émettons également l’hypothèse que cette coopération peut permettre de poser un modèle socio-économique pérenne, d’intérêt général, basé sur la mutualisation de la prise en charge des fonctions d’animation et d’accompagnement nécessaires :
- A la qualification des besoins en compétences des associations et de leur diffusion la plus large possible, notamment sur les plateformes spécialisées publiques ou privées,
- A la mise en relation entre les bénévoles et l’association ainsi que le suivi des missions,
- Au travail d’ingénierie de projet, de création des outils, de capitalisation et de transmission,
- A la fonction de traduction, essentielle, pour favoriser la rencontre et l’interconnaissance notamment entre associations et entreprises,
- Enfin, nous pensons que cette dynamique collective est un levier en matière d’impact sur le nombre d’associations accompagnées ainsi que sur la qualité des missions réalisées.
Premiers enseignements et perspectives
L’équilibre entre les modalités d’engagement les plus pratiquées et l’impact espéré pour les associations n’est pas toujours aisé à trouver. Nous avons ainsi capitalisé sur les 11 ans d’expérience de Pro Bono Lab et sur les différents tests opérés pour construire une offre d’accompagnement couvrant une majorité des besoins recensés, tout en proposant des réorientations lorsque le bénévolat/mécénat de compétences ne nous semble pas adapté.
Dans ce parcours, l’analyse des besoins en compétences reste une étape essentielle, que nous avons souhaité renforcer par la construction d’un outil d’analyse ad’hoc, sous forme de formulaire en version initiale, avec pour ambition d’aboutir à une application sous licence libre.
Les 18 premiers mois nous ont également conforté dans l’idée que le travail en coopération est une clé de succès. Il favorise les synergies, le passage à l’action, la sensibilisation par l’exemple et permet également de travailler sur une mise en cohérence des initiatives d’accompagnement en bénévolat/mécénat de compétences sur le territoire afin d’éviter une trop grande fragmentation de l’offre et une complexité d’activation accrue pour les associations ou les acteurs de l’accompagnement. Au-delà, l’enjeu réside aujourd’hui dans une plus grande implication des parties prenantes afin de passer d’une dynamique de concertation/co-construction à une dynamique de co-responsabilisation.
En outre, le modèle socio-économique reste complexe à bâtir, notamment entre des modalités, rares, de financement de l’ingénierie de projet sur un temps long, et des soutiens à un programme déjà opérationnel.
Enfin, l’évaluation in itinere reste complexe à mettre en place tout en étant une démarche encore récente au sein de Pro Bono Lab. Pour autant, celle-ci sera essentielle dans la réussite des objectifs de cette expérimentation, notamment sur la capacité à transmettre et essaimer ce programme auprès de nouveaux territoires et de nouveaux collectifs d’acteurs.
Laurent Fialon, directeur Méditerranée de Pro Bono Lab
* Nous observons un vide scientifique sur l’étude de l’impact du mécénat du compétences sur le monde associatif. Pro Bono Lab, L’Admical, Koeo et Passerelles & Compétences s’associent à l’INJEP et à l’IRISSO pour publier la première recherche-action à ce propos (prévue en 2023).