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Agents publics et pro bono : témoignage de Sylvie, adjointe à l'ESS

La série d'entretiens "Agents publics et pro bono*" explore les pistes de mise en oeuvre de programmes pro bono ou de mécénat de compétences au sein du service public. Sylvie, adjointe à l'ESS, nous explique pourquoi l'engagement des collaborateurs fait partie de la stratégie de sa commune.
Pro Bono Lab
4 févr. 2021


Sylvie** est adjointe en charge de l’économie sociale et solidaire (ESS) et du développement durable au sein d’une ville française de plus de 500.000 d’habitants. Elle est en charge de la consommation responsable et du développement durable, avec 46 référents pour ce mandat. Elle s’occupait avant de l’insertion, de l’emploi et de l’ESS. Elle est également élue d’un réseau qui rassemble 120 collectivités territoriales.

1. Où en est votre collectivité par rapport au pro bono ?

Nous avons posé les jalons d'une politique de responsabilité sociétale des organisations (RSO). On est sortis de la seule approche environnementale pour passer à une approche plus globale.

L'implication des agents est une perspective pour le prochain mandat, dans le cadre de la politique RSO. C’est une volonté forte de la ville, la politique RSO faisant partie du programme pour les prochaines municipales. On a enclenché tout le travail : il a fallu mettre en place et rédiger une délibération cadre, sensibiliser les agents, former aux modules mis en place dans l’ESS, organiser des balades solidaires, faire en sorte de créer des liens forts entre acteurs du territoire et agents... Il a fallu démontrer que c’était possible, que la collectivité n’était pas une machine, une usine à gaz. Que l'on pouvait créer des coopérations entre les agents de la ville et le territoire.

La frontière entre collectivité territoriale et secteur de l'ESS est poreuse. Par exemple, un agent qui travaille dans les espaces verts peut venir en soutien des jardins partagés. Un agent qui travaille sur l’économie, lorsqu’il est sensibilisé à l’ESS, va être plus présent pour suivre ce qui se fait et apporter son soutien. Nous réfléchissons à une manière de formaliser tout ça.

Le premier jalon était de former et sensibiliser les agents à l’entreprendre autrement. On a organisé un forum avec 170 agents autour de l’ESS. Je fais aussi des balades solidaires avec les agents de catégorie C. L'objectif est de donner la possibilité à tous les agents de s’engager, leur donner l’envie, quelle que soit la structure. On sème des petites graines, que l'on espère récolter plus tard.

Il a fallu démontrer que c’était possible, que la collectivité n’était pas une machine, une usine à gaz. Que l'on pouvait créer des coopérations entre les agents de la ville et le territoire.

2. Comment avez-vous imaginé ce dispositif ?

Nous l'avons pensé sur le temps de travail ou la pause du midi. Nous pourrions accompagner des structures de l’ESS, quels que soient leurs statuts, qui ont besoin de nos agents pour leur expertise sur un temps donné. Nous avons déjà organisé des ateliers qui ont souvent mobilisés des agents de services différents comme le service communication, le service espaces verts pour les jardins partagés etc.

Le dispositif devra être un outil de cohésion sociale et participer au bien-être des agents.

3. En interne, quelles sont les compétences qui semblent les plus à même d’être mobilisées ?

Ça dépend des secteurs. Les besoins qui reviennent souvent sont en lien avec les financements, l’équilibre du budget. Les structures de l’ESS souhaitent aussi beaucoup pouvoir être accompagnées sur la visibilité, la communication. C’est ce qu’elles identifient en priorité. Il y a aussi des expertises très techniques que peuvent avoir des agents dans certains domaines comme l’écologie urbaine ou l’économie d’énergie.

Il y a de réels ponts à créer puisque certaines structures ont une vraie expertise sur les déchets, l’upcycling, les choix des matériaux. Sur la commande publique responsable, elles peuvent être enrichissantes.

Cela peut avoir un intérêt sur les questions de formation et de reconversion : pour les métiers d’aide à la personne dans les écoles, dans les maisons de retraite, certains souhaitent se reconvertir et il n’y a pas toujours d’autres postes pour eux. Ca leur donnerait la possibilité de découvrir d’autres métiers et d’en changer.

4. Y a-t-il des thématiques plus prégnantes pour la collectivité sur lesquelles s’engager ?

Nous pourrions nous engager sur toutes les thématiques : l’alimentation, la mode éthique, l’insertion par l’activité économique, le tri, la collecte des déchets... Nous avons un label Ville équitable et durable avec 240 labellisés dans des secteurs différents.

5. A quels enjeux cela répond-il pour la collectivité ?

Cela répond en premier lieu à un besoin de cohésion au sein de l’organisation. Reconnaître l'engagement des agents, c'est reconnaître ce qu’ils font et ce qu’ils savent faire. Nous pourrions également imaginer de reconnaître leur engagement avec une prime, une valorisation, même lors des promotions - dans les collectivités territoriales, il y a les concours, mais l’autorité territoriale peut aussi promouvoir un agent.

Cela peut avoir un intérêt sur les questions de formation et de reconversion : pour les métiers d’aide à la personne dans les écoles, dans les maisons de retraite, certains souhaitent se reconvertir et il n’y a pas toujours d’autres postes pour eux. Ca leur donnerait la possibilité de découvrir d’autres métiers et d’en changer.

En termes de frein, je pense aux lourdeurs administratives... Il faut qu’il y ait un portage politique fort. Il ne faut pas que ce soit de l’affichage, il faut connaître les rouages de l’organisation et ne pas brusquer les gens.

5. Y'a-t-il des risques ? Des freins ? Qu’est-ce qui pourrait aider à les lever ?

Il n'y a pas vraiment de risques... Mais il faudra bien cadrer et choisir les agents qui y participeront. Si on parle de valorisation ou de promotion, il ne faut pas qu'il y est d'effet d’aubaine : il faut que ça reste de l'altruisme.

En termes de frein, je pense aux lourdeurs administratives... Il faut qu’il y ait un portage politique fort. Il ne faut pas que ce soit de l’affichage, il faut connaître les rouages de l’organisation et ne pas brusquer les gens. Il faudra du temps. Mais certains sont engagés, convaincus et c’est important de le reconnaître.

Quand on adopte un schéma de promotion de l’achat responsable, il faut le rendre opérationnel. On fait évoluer les lois. Ce sera la même chose ici. On n’a pas à être frileux.



* Nous parlons dans cette série de "pro bono" et non spécifiquement de mécénat de compétences : le mécénat de compétences est un dispositif fiscal qui, dans les faits, ne pourrait s'appliquer à des acteurs publics.

** Les entretiens ont été anonymisés, certaines initiatives étant menées de manière officieuse par les agents.


💡 La série d'entretiens "Agents publics et pro bono" a été réalisée entre décembre 2019 et mars 2020. Ses 8 entretiens explorent les pistes de mise en oeuvre de programmes pro bono ou de mécénat de compétences au sein du service public. Retrouvez les autres entretiens ci-dessous :

👉 Agents publics et pro bono : un lien fort entre service public et associations

👉 Agents publics et pro bono : le dispositif de congés solidaires d'un département breton

👉 Agents publics et pro bono : témoignage de Lisa, DRH

👉 Agents publics et pro bono : témoignage de Quentin, maire

👉 Agents publics et pro bono : l'exemple d'une Fondation territoriale



©️ Photo by Amy Hirschi on Unsplash

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