L'actus
du Pro Bono
Reconversion dans l’ESS : quel accompagnement pour une transition réussie ?
Mercredi 27 février sonnait le glas d’un projet inclusion socio-professionnelle que nous avons eu le plaisir d’expérimenter avec quatre autres pays et partenaires européens : OKA (Hongrie), Groupe One, Pour la Solidarité (Belgique) et Work for Social (Espagne).
Manon Philippe
6 mars 2024
Initiée en mars 2022, le projet APTE venait tester de nouvelles modalités d’accompagnement pour des personnes en recherche d’emploi, souhaitant opérer une reconversion vers les métiers de l’ESS.
Pour l’occasion, Catherine Fontaine Viret et Isabelle Verthier de l’APEC, nos partenaires européens et Mariam, une participante du programme APTE ont dressé un premier bilan et échange autour de bonnes pratiques pour une reconversion professionnelle dans l’ESS réussie.
L’économie sociale et solidaire, un secteur d’avenir ?
L’économie sociale et solidaire représente 10% du PIB, 14% des emplois du secteur privé, soit 2,4 millions d’emplois ! Les salariés sont de plus en plus en quête de sens dans leur travail, et à cela s’ajoute une conjoncture plutôt positive sur le marché de l’emploi avec l’ouverture de postes dans l’ESS (13 500 offres d’emplois publiées au premier semestre 2023 d’après l’APEC).
L’APEC est une association d’intérêt général pour l’emploi des cadres, elle est mandatée par le service public. Ses missions vont de l’accompagnement des entreprises dans le recrutement, au soutien à la recherche d’emploi ou encore au rôle d’observatoire et d’analyse en termes d’emploi et d’évolutions du marché du travail.
C’est un fait, la quête de sens prend de plus en plus de place dans les motivations des chercheurs d’emploi. Elle a été évoquée auprès de l’APEC à plusieurs reprises par 30% de ses bénéficiaires en 2023 contre 20% en 2022. L’impact social et environnemental a également été mentionné par 16% d’entre eux, un chiffre qui était pourtant négligeable il y a encore quelques années.
« Qu’est-ce qui déclenche une démarche pour trouver plus de sens dans son travail ? Certains recherchent des valeurs plus profondes avec des objectifs plus palpables comme le fait de se sentir utile à la société, d’autres ne se retrouvent plus dans le milieu de l’entreprise, mais cela peut aussi venir d’une envie d’évolution en termes de compétences ».
Catherine, Responsable de Centre APEC, Paris Gare de Lyon
Si la quête de sens a le vent en poupe, la rémunération demeure cependant bien le premier critère (55%) dans la recherche d’emploi nuance Catherine. Ce critère peut constituer un frein car la rémunération moyenne des métiers du secteur de l’ESS reste en dessous de ce que l’on peut trouver dans le secteur privé.
Comment initier une démarche de recherche de sens : mode d’emploi de l’APEC
L’APEC réalise un premier entretien de diagnostic et invite ses bénéficiaires à se poser les bonnes questions : « Qu’est-ce que mon besoin de sens ? Qu’est-ce que je mets derrière cela ? Quels besoins en compétences dois-je développer ? Ai-je besoin de reprendre une formation ? Si oui comment la financer ? »
L’APEC accompagne ses bénéficiaires et les invite à définir leur projet, à établir leurs besoins, à faire du réseau, à découvrir en amont le métier souhaité en interrogeant des personnes qui l’exercent, ou en faisant un stage dans ce domaine. En clair, c’est une véritable immersion professionnelle qui est encouragée. Le mécénat de compétences est d’ailleurs une excellente façon de se tester, de mettre à disposition et à l’épreuve ses compétences souligne Catherine. Se confronter à la réalité du terrain est une étape à ne pas négliger avant de se lancer : « Certains bénéficiaires de l’APEC ont besoin de trouver du sens, de sentir qu’ils contribuent à quelque chose, mais cela peut être un peu déroutant de découvrir le milieu associatif, d’arriver dans quelque chose de moins organisé ».
Les clés du succès ? Bien définir son projet (ce que je fais, ce que je veux, quelles causes je veux servir ?), définir ses compétences (et son potentiel besoin de formation) et bien sûr se confronter au terrain !
APTE en trois briques
Le parcours APTE est né d’un constat : La quête de sens s'est imposée comme un sujet de société majeur et a poussé de nombreux salariés à réinterroger sur leur rapport au travail. L’objectif du parcours est double : d’une part rendre les participants acteurs de leur parcours d’employabilité pour leur faire (re)prendre confiance en eux, identifier, développer et valoriser leurs compétences ; d’autre part leur faire découvrir le secteur de l’économie sociale et solidaire et des métiers d’avenir.
Le programme s’est construit autour de trois expertises/briques : le pro bono, la transition écologique et le mentorat.
La transition écologique dans le projet APTE
A travers le programme APTE, les participants se sont familiarisés avec les enjeux environnementaux. Cette sensibilisation à la transition écologique a pris la forme d’ateliers collectifs. L’intelligence collective a permis aux participants d’échanger sur leurs expériences, leurs savoir, de se confronter à l’avis des autres dans un cadre bienveillant et positif. « Discuter enjeux environnementaux c’est aussi se sentir moins seuls par rapport à des évènements qui nous dépassent. » rappelle Marion de l'association Groupe One.
La recommandation de Marion de Groupe One : Il y a déjà énormément de matière, d’acteurs qui travaillent sur les sujets de transition écologique, de l’économie circulaire. L’enjeu pour les différents acteurs est de coopérer, de s’entraider, en faisant intervenir par exemple la Fresque du Climat, non de réinventer ce qui existe déjà et de venir se faire concurrence entre structures.
Le mentorat dans le parcours APTE
Les participants du programme APTE ont été répartis par binôme en recherche d’emploi. Objectif ? Soutenir les demandeurs d’emploi à travers le mentorat, susciter des échanges. Le fait d’être en mentorat avec une personne permet de se sentir moins seul, de créer une communauté constate Léa (Association Pour la Solidarité).
« Nous avons pu observer que de nombreuses personnes souffraient du syndrome de l’imposteur, et doutaient des ressources qu’elles pouvaient mettre à disposition, et de leur capacité à venir en aide à autrui. C’était donc important de les former, de leur faire comprendre qu’elles avaient même sans doute déjà pu avoir ce rôle par le passé. Un atelier a donc été organisé au début du parcours et du programme de mentorat. »
La recommandation de Léa de Pour la Solidarité : Il faut avant tout identifier un objectif concret, que le mentorat peut venir servir (vers l’emploi ? le développement personnel ?). Puis, constituer une base de mentors qui souhaite mettre à disposition ses ressources, et ses expériences.
Le pro bono dans le parcours APTE
Le pro bono constitue la dernière brique du projet APTE, les participants ont ainsi été invité à vivre l’expérience du bénévolat :
« L’engagement et le pro bono contribuent à la découverte de nouvelles structures, des projets, et favorisent les échanges avec des personnes du secteur, la dimension réseau. Cela concoure aussi à la (re)prise de confiance en soi » Lucie, chargée de projets chez Pro Bono Lab
Pour cela, une première phase d’identification des compétences a été organisée en demandant aux participants du programme de réfléchir aux compétences qu’ils ont pu développer lors de précédentes expériences. Durant la phase d’engagement, ces derniers se sont mobilisés pendant une journée au profit d’une association. Enfin, la phase de valorisation a pour objectif de valoriser les compétences mobilisées et d’identifier celles pouvant être utile au secteur de l’ESS.
La recommandation de Lucie de Pro Bono Lab : S’appuyer sur les structures qui le proposent simplifie le travail. S’engager en groupe pour pouvoir se confronter à d’autres regards est particulièrement bénéfique.
Le retour de Mariam, participante du programme APTE
Freelance en gestion financière au service d’associations depuis trois ans, Mariam a rejoint le parcours APTE avant tout pour développer son réseau. Elle a accepté de clôturer la discussion en nous livrant son témoignage.
« J’ai été agréablement surprise. Je disposais déjà des compétences techniques (comptabilité, finances). Mais le parcours m’a ouvert les yeux et sensibilisé sur la transition écologique et environnementale. »
Les points forts du parcours selon Mariam ? La mise en réseau avec des intervenants, des personnes du secteur et la pédagogie du programme qui repose sur l’intelligence collective. « Les échanges entre les différents participants ont été très riches. APTE nous donne des pistes de réflexion pour savoir comment mobiliser les compétences pour avoir un métier qui a plus de sens ».
Ce qui aurait pu enrichir encore plus le parcours aurait été de proposer des ateliers plus individualisés, d’avoir un parcours mêlant tronc commun & général et ateliers individuels.
La recommandation de Mariam : Pour se lancer dans le secteur de l’économie sociale et solidaire, s’immerger via le mécénat en compétences, ou encore faire du bénévolat peuvent être une solution. Cela peut déboucher sur des opportunités professionnelles.
Les profils un peu plus techniques ne devraient pas se censurer d’aller vers l’économie sociale et solidaire, car ce secteur se professionnalise. Il faut sortir de cette vision métier et se demander comment son métier peut servir la cause qui nous anime.
Bilan et prochaines étapes
APTE en quelques chiffres c’est : 2 ans d’expérimentation, 3 promotions d’une durée de 2 mois, 26 participants en reconversion dans le secteur de l’ESS, 5 journées et 234 heures de pro bono, 26 ateliers collectifs et 20 visites de structures de l’ESS. Le bilan nous semble très positif, puisque 81% des participants déclarent avoir utilisé ce qu’ils ont appris au cours du parcours dans leur recherche d’emploi !
Les prochaines étapes ? Partager nos apprentissages au plus grand nombre via la publication d’un guide pratique pour donner des clés d’implémentation de APTE au sein de structures européennes, un carnet de bord clé en main à destination des participants du programme et enfin un mapping européen des structures opérant du mentorat. Stay tuned !