L'actus

du Pro Bono

Les établissements d'enseignement supérieurs, facilitateurs d'engagement ? - Kiara, Sciences Po

Kiara Tegbe, 21 ans est co- responsable du pôle pro bono de la Junior Consulting Sciences po. Selon elle, l'école a un vrai rôle à jouer dans la facilitation de l’engagement.
Manon Philippe
29 mars 2022

Kiara Tegbe a 21 ans. Elle est en première année de master à Sciences Po. En parallèle, est co- responsable du pôle pro bono de la Junior Consulting Sciences Po depuis septembre 2021.

Les junior entreprises comme la Junior Consulting de Sciences Po sont des associations étudiantes implantées dans les établissements d’enseignement supérieur. Elles ont un fonctionnement proche de celui des cabinets de conseil : elles mobilisent des étudiant.es sur des missions de conseil rémunérées, pour le compte d’entreprises ou d’organisations.

Cet entretien à été réalisé en mars 2022.

1. Comment es-tu arrivée au pôle pro bono de la Junior Consulting Sciences po ?

Avant d’être à la Junior, j’étais engagée auprès du Centre Social Nelson Mandela à Saint- Michel sur Orge, près de chez moi - j'y ai fait des stages d’animation aux populations qui ne pouvaient pas aller en vacances et de l’aide aux devoirs. Ce n’est pas un engagement associatif mais un engagement social. J'ai aussi été trésorière du Bureau des arts de Sciences Po.

Quand j’ai vu l’annonce de la Junior Consulting, le pôle pro bono a été une évidence : ça me permettait de continuer à m’engager dans cette voie tout en me professionnalisant !

Je sais que l’engagement à la Junior Consulting sera un atout majeur sur mon CV. Je vais beaucoup le mettre en avant car c’est ma seule expérience « professionnelle » ou« professionnalisante ».

Même si je n’ai pas fait de stages ou d’alternance, je sais que je ne pars pas handicapée par rapport à d’autres.

1. Peux-tu nous en dire plus sur le pôle pro bono ?

On est la première junior entreprise à avoir un pôle pro bono – depuis l’automne 2011. Nous sommes 30 élèves dans la Junior Consulting et le pôle pro bono rassemble 2 personnes : Oscar et moi-même. On est peu connus au sein de Sciences Po – globalement,

Notre rôle est justement de faire de la pédagogie sur ce qu’est le pro bono, dans l’école et au- delà : on en parle aussi à d’autres universités et écoles pour le faire connaître !

Toute junior devrait penser à avoir un pôle pro bono. Pour moi c’est très important de se professionnaliser tout en aidant.

L’année dernière, il y avait une responsable au pôle pro bono, elle a fait 3 missions. Cette année, on est 2 responsables et on a déjà fait 6 missions depuis septembre [entretien réalisé le 1er mars] : on commence à être en sous-effectif !

Je pense que c’est générationnel : on dit qu’on est une génération très portée sur la RSE, le sens au travail, l’impact environnemental, social. Ce sont en tout cas des missions qui attirent beaucoup. Par exemple, sur une mission pour une fédération d'associations environnementales, j’ai eu 20 candidatures en moins de deux jours. J’ai été très surprise car on avait précisé un type de profil très spécifique, mais les gens ne se sont pas limités à l’annonce et étaient très motivés.

2. Comment se passent les missions au sein du pôle pro bono ?

En général, le client vient à nous, via des anciens élèves de Sciences Po ou des connaissances. Il contacte le Président de la Junior, et lui nous les renvoie.

Ensuite, le cycle est le même que pour une mission classique : cadrage de la mission, rédaction des annonces de recrutement qui sont publiées sur le compte Facebook de la junior entreprise et sur notre Story Instagram, entretiens avec les candidats et sélection de l’équipe projet, réalisation de la mission, enquête de satisfaction à la fin de la mission.

En fait, rien ne change entre les missions classiques et celles en pro bono, à part la facturation : pour les missions pro bono, c’est la junior entreprise qui finance le temps passé des étudiant.es. Quand les étudiant.es s’inscrivent aux missions, ils ne savent même pas qu’elles sont en pro bono, on leur en parle pendant les entretiens. Et l’accueil est très positif : on nous dit que c’est génial !

Pour certain.es étudiant.es, c’est du one shot. D’autres sont là sur du long terme : une candidate revient souvent sur nos missions par exemple. Après, il y a de tout, des étudiant.es qui sont intéressé.es par les missions spécifiquement et d’autres qui ont besoin d’argent : c’est bien aussi que la junior entreprise permette cela.

Si on ne rémunérait pas les étudiants comme sur les autres missions, on n’aurait pas autant de candidatures. Là on finance les missions gratuites, c’est quand même un plus. C’est un bon système. Comme les étudiant.es sont consultant.es, iels fournissent un même travail de qualité.

La rémunération, c’est une bonne idée, ça attire beaucoup de gens et c’est une porte d’entrée vers l’engagement. Ils découvrent des associations, leurs actions, et ça peut être source d’engagement sur le long terme !

Souvent, les clients pro bono nous demandent comment « payer indirectement » : en général, ils communiquent sur les missions réalisées. C’est un cercle vertueux car in fine, le client qui communique ramène des clients !

3. Aurais-tu une anecdote à nous partager en lien avec une expérience pro bono ?

Ma première mission en tant que cheffe de projet pour une fédération d'associations environnementales, sur le volet communication.

J’ai dû prendre des initiatives, être minutieuse, relancer les étudiantes qui travaillaient sur le projet, porter les responsabilités... Beaucoup de travail mais ce qui m’a marqué, c’était que je pouvais être cheffe de projet. Je l’imaginais assez peu, en général je suis dans le groupe mais je ne suis pas le leader.

D’ailleurs, on entame une deuxième mission avec eux dans la continuité de la première.

4. Est-ce que l’engagement est facilité au sein de Sciences Po ?

Au sein de Sciences Po, on est encouragé.es à avoir des engagements hors académiques :
- Avant même la rentrée scolaire, ils envoient à tou.tes les étudiant.es la liste des associations de Sciences Po, avec les différentes thématiques via une newsletter,
- Il y a des prix pour l’engagement social, pour la création de projets associatifs (si des étudiant.es ont des projets en tête et veulent monter leur association) avec des bourses à la clé,
- Il y a la junior entreprise et son pôle pro bono,
- Et dans mon cours en social innovation, on a pu travailler sur un sujet pour la Croix Rouge. Je trouve ça vraiment génial : on sort du cadre académique, on se professionnalise, ça allie la pratique à la théorie.

J’ai l’impression que c’est quelque chose d’assez particulier aux écoles : l’encadrement est très différent dans les universités, où on vient moins à toi. J’ai l’impression que la démarche est inverse dans les écoles : il y a vraiment une incitation !

C’est quelque chose que j’encouragerais : on pourrait reprocher à des formations le fait qu’elles soient très théoriques, et que quand on en sort on ne sait rien faire. Là, différents modèles nous permettent de nous professionnaliser !

5. Est-ce que tu dirais que les étudiant.es sont engagés ?

Autour moi, définitivement oui.

Après, j’ai le biais Sciences Po et comme je le disais, un étudiant à Sciences Po est assez "exposé" à l’engagement (social, environnemental, politique). Au sein de mon master il y a beaucoup d’activitistes (LGBTQ+, minorités).

Quand je sors de cette bulle Sciences Po et que je vois mes amis, l’engagement est moins prononcé, parce qu’en université ce n’est pas forcément facile de s’engager. Pas parce que les gens ne le veulent pas mais parce que c’est moins accessible.

L’école a un vrai rôle à jouer dans la facilitation de l’engagement.

6. C’est quoi la suite pour toi ?

Je suis en train de préparer mes candidatures pour ma césure. Je suis un peu perdue, je ne sais pas trop dans quel type de structures je vais pouvoir m’épanouir. J’aimerais tester une organisation internationale type OCDE (pour concilier l’aspect pro bono, international et philanthropique). Et faire ma deuxième partie de césure dans un organisme privé, pour voir. Je veux tâter le terrain et voir ce qui me correspond le mieux !


En bref, si tu devais retenir...

3 bénéfices pour les étudiant.es qui font des missions au sein du pôle pro bono
1. Le sens qui est donné à la mission et l’impact qu’il y a derrière : c’est une source de motivation réelle et c’est valorisant !
2. Le développement de compétences, soft skills / hard skills
3. Ça nous permet de nous professionnaliser

3 bénéfices pour des associations qui reçoivent des missions pro bono
1. La gratuité : le fait d’accéder gratuitement à ce genre de prestations est un plus !
2. Le travail de qualité : on n’est pas un cabinet des big 4 mais on est des étudiant.es avec beaucoup d’envie et des compétences non négligeables !
3. Le networking : les associations rencontrent des étudiant.es qui demain pourraient s’engager avec elles ou leur ouvrir des opportunités dans leurs futurs postes par exemple

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