L'actus
du Pro Bono
Un "Engagement Center" à l'Université Côte d'Azur
Davy et Jaymes travaillent à l’Université Côte d’Azur (12 campus sur tout le territoire azuréen dont à Nice, Cannes, Menton, Grasse, Sophia Antipolis). Ils travaillent tous les deux sur le programme d’Engagement Citoyen des étudiant.es de l’Université.
Manon Philippe
13 mai 2022
Entretien réalisé en février 2022
1. Pouvez-vous vous présenter ?
Je (Davy Lorans) travaille à l’Université Côte d’Azur depuis 2018. Mon poste a été créé dans le cadre des Initiatives d’excellences IDEX. Et ça tombait pile au bon moment : la loi égalité/citoyenneté visant à valoriser les expériences d’engagement étudiants par les établissements venait de passer, en 2017.
Depuis plus de 6 ans désormais, l’Université Côte d’Azur a vraiment la volonté de placer l’engagement de ses étudiants au cœur des grands projets de l’université ! Nous nous inspirons du modèle américain de Civic Engagement.
Je (Jaymes Kalala) suis arrivée en janvier 2021 pour épauler Davy sur le programme d’Engagement Citoyen des étudiants sur des aspects technique, terrain et de proximité.
L’université de Côte d’Azur est pionnière ! Ce n’est pas la première en France, pour autant elle fait partie des établissements les plus avancés de France sur ce sujet.
2. Pouvez-vous nous en dire plus sur ce que le programme d’Engagement Citoyen propose aux étudiant.es ?
(Davy et Jaymes) L’Université Côte d’Azur a créé un « Engagement Center ». C’est un dispositif porté par la Direction Vie universitaire qui propose des missions aux étudiant.es. Plus d’une cinquantaine de missions sont proposées chaque semestre !
Trois types d’engagements sont valorisés :
- Les « Engagements institutionnels » (imposés par la loi Égalité et Citoyenneté et que les universités doivent valoriser) : sapeurs pompier volontaire, service civique, réserviste dans les armées. Le suivi se fait sur présentation de justificatifs.
- Les « Engagements internes » à l’Université : appui à des projets innovants (FABLAB par exemple), semaine du handicap, club d’échec, appui des relations internationales, service orientation/formation qui a besoin d’étudiant.es, etc.
- Et surtout, spécificité UCA et part prépondérante des missions, les « Engagements au service de la société civile » : des missions co-construites avec des partenaires extérieurs sur de multiples thématiques (accompagnement scolaire / développement durable / sport / cinéma / vulgarisation scientifique...)
Chaque semestre, environ 500 étudiant.es bénéficient d’un “bonus engagement” : pour 20 heures d’engagement terrain, l’étudiant.e aura une bonification d’un quart de point sur sa moyenne du semestre.
En tout, plus de 3 000 étudiant.es ont vu leur engagement valorisé et reconnu depuis 2018.
3. Concrètement, comment ça se passe ?
Chaque mission d'engagement est publiée sur une plateforme interne à l’Université. Cette plateforme permet une mise en relation entre étudiant.es et associations. Ils s’arrangent ensuite sur les aspects logistiques et de compatibilité d’agenda.
Cette plateforme nous permet aussi un suivi des candidatures : on identifie les types de missions qui attirent le plus les étudiants. Les plus demandées sont les missions d’engagement avec la société civile : les missions sont plus diversifiées et cela permet aux étudiant.es de sortir du cadre de l’université. Ensuite viennent les engagements internes à l’Université (des référents en interne en font le relai) et enfin les engagements institutionnels.
La demande côté étudiant.es sur les "engagements avec des partenaires extérieurs" a augmenté depuis la période COVID, car il y a une envie de donner du sens à ce qu’ils font dans leurs études ou en parallèle.
Nous sélectionnons, pour ce type d’engagements, des missions qui contribuent à l’intérêt général (pas d’objectifs financier , politique ou religieux). Le but est de proposer des missions avec des objectifs clairs et si possible des compétences identifiables dès le départ par les étudiants.
4. Comment est-ce que vous mobilisez les étudiant.es ? Lesquels s’engagent le plus ?
Nous communiquons sur les missions par un mailing général en début de semestre. Après ça, le bouche à oreille prend le relai et marche relativement bien. Ces dernières années, l’offre et la demande augmentent à la même vitesse : une communication plus poussée n’est pas nécessaire - au contraire, elle pourrait déstabiliser cet équilibre.
D’après une étude que nous avons menée, nous observons que les groupes d’étudiant.es engagé.es proviennent majoritairement du cycle Licence (L1/L2/L3) et de disciplines variées. 45% des étudiant.es qui se sont engagé.es ont entendu parler des missions via la plateforme, 12% via le bouche-à-oreille puis ensuite par les réseaux sociaux ou via le personnel de l’université. Pour plus de 50%, c’est un premier engagement.
5. Quelles difficultés avez-vous rencontrées lorsque vous vous êtes lancés dans la mise en place du dispositif ?
Une des difficultés que nous rencontrons est de trouver des missions qui attirent les étudiant.es. Certaines thématiques n’attirent pas beaucoup. Dans ce cas, l’association bénéficiaire peut être frustrée du manque de candidatures et d’intérêt pour sa mission.
Le suivi des heures d’engagement n’est pas facile non plus : le fait de renseigner ses heures d’engagement n’est pas encore rentré dans les mœurs des étudiant.es.
Et puis faire le lien avec les associations prend du temps : il y a pas mal de turnover dans les associations, maintenir la relation n’est pas toujours aisé.
6. A l’inverse, avez-vous des victoires à nous partager ?
L’engagement des étudiant.es et l’augmentation du nombre d’inscrit.es et de missions sont déjà un bel indice de réussite. En interne, la durée des conventions avec les associations qui proposent des missions est passée de 1 à 4 ans : sachant que le nombre de missions et de partenaires augmente de plus en plus, c’est une grande victoire pour nous ! Cela nous prenait beaucoup d’énergie de renouveler les conventions tous les ans.
Aujourd’hui, l’Engagement Center est en lien avec quasiment tous les services de l’université car il peut leur servir (service orientation, service communication, service handicap, service culture, avec la gouvernance...) : cette implantation au sein de l’Université est une réussite.
Dernière victoire : les doctorants sont depuis peu inclus dans le dispositif - après plus de 3 ans de discussions ! Il a fallu réfléchir à un autre système de bonification car les doctorants n’ont pas de notes. Pour eux, 30 heures de missions sur le terrain correspondront à 10 heures de formation sur les 90 qu’ils ont à faire. Et il y a déjà 15 inscrits sur la Plateforme !
7. Quels sont les points d’amélioration que vous identifiez dans votre dispositif actuel ?
Bien que le dispositif soit installé dans l’Université de Côté d’Azur, il reste des points d’amélioration. Il n’y a pas encore assez de communication autour de l’Engagement Center.
On pourrait aussi mieux valoriser ces missions d’engagement en dehors de l’université. Nous allons proposer un « Cursus de l’engagement » qui permettra de valoriser l’engagement non plus de manière quantitative mais en s’appuyant sur des compétences et des certifications plus facilement transférables. Pour donner plus de poids aux heures que dédient les étudiants.
8. Quel(s) conseil(s) donneriez-vous à un établissement d’enseignement supérieur qui souhaite permettre à ses élèves de s’engager auprès d’associations mais ne sait pas par où s’y prendre ?
Globalement, il faut que chaque université ait son propre modèle, adaptée à sa taille, son agilité et sa politique. Et un conseil : il faut y mettre des moyens (RH, technique, etc.). Et ne pas hésiter à faire appel à des intervenant.es externes si nécessaire.
3 bénéfices du dispositif pour les étudiant.es ?
D’après une enquête effectuée en interne, les 3 principaux bénéfices pour un.e étudiant.e à partager ses connaissances auprès d’une association :
1. Dispositif perçu comme une aide à l'intégration sur le territoire. Pour celles et ceux qui ne viennent pas du territoire notamment. Création de réseau, etc. (25% des engagés qui étaient issus d’autres pays ou régions de France)
2. Sentiment de se sentir utile : donner du sens à sa vie et à sa vie étudiante, être citoyen actif et faire bouger les choses
3. Développement des compétences : travail en équipe, communication, créativité (sortir de sa zone de confort...)
3 bénéfices du dispositif pour les associations ?
1. C’est une porte d’entrée privilégiée pour atteindre le public jeune, difficile à toucher
2. Certain.es étudiant.es vont au-delà de leurs 20 heures et s’investissent finalement dans l’association sur du long terme, ce qui permet une réelle transmission de savoir-faire, savoir-être et de forces vives afin de former la future génération solidaire
3. Se rajeunir en matière de compétences (communication digitale ; photo ; etc)
L’objectif de ces missions est que les associations et les étudiants aient autant à gagner en intégrant ce dispositif !
3 bénéfices du dispositif pour l’Université Côte-d’Azur ?
1. Le rapport au territoire, qui représente la troisième mission des universités (après la formation et la recherche). Porter l’image de l’université à travers ses étudiants sur tout le territoire justifie son volet social.
2. Une grosse aide et apport en main d’œuvre pour des missions internes à l’université qui vont être remplies par les étudiants directement
3. L’université de Côte d’Azur est pionnière ! Ce n’est pas la première en France, pour autant elle fait partie des établissements les plus avancés de France sur ce sujet. L’engagement de ses étudiants pourrait être un moyen pour l’université de se différencier dans un secteur concurrentiel.