L'actus
du Pro Bono
Le pro bono, bien-être & performance, avec Jean-Paul Romet
ESS, pro bono et solidarité dans la Métropole Aix-Marseille-Provence : entretien avec Jean-Paul ROMET, Délégué Emploi et RSE chez EDF Sud
Manon Philippe
19 janv. 2021
Suite à la publication officielle des résultats de son étude territoriale intitulée « Comment les entreprises s’engagent-elles en faveur du territoire Aix-Marseille-Provence ? », portant sur les pratiques de coopération entre les entreprises et les structures de l’ESS du territoire, Pro Bono Lab partage un entretien réalisé auprès d’un acteur de l’engagement citoyen et du bénévolat : Jean-Paul Romet Délégué Emploi et RSE, nous livre sa vision du pro bono sur le territoire.
Quelle est la politique d’engagement de l’organisation ?
Nous menons une politique d’engagement en encourageant fortement les salariés à s’impliquer dans des actions solidaires aussi bien en bénévolat [sur le temps personnel] qu’en mécénat de compétences [sur le temps de travail]. Depuis fin 2019, la Délégation régionale EDF PACA a piloté avec la Délégation régionale EDF AURA une expérimentation qui est maintenant en cours de déploiement à l’échelle du Groupe et du territoire national dans le cadre d’un programme « Confinés et Solidaires ». Il s’agit d’une plateforme collaborative interne, « Human Pacte », dédiée à l’engagement solidaire des collaborateurs qui met directement en relation les salariés et les associations. Nous déployons cette politique car nous sommes intimement convaincus que cela contribue non seulement à l’épanouissement des salariés mais aussi à la performance de l’entreprise.
Quelles sont les actions menées par l’entreprise en faveur de (ou avec) des structures à finalité sociale ?
Nous nouons des partenariats, à l’échelle nationale via la Fondation groupe EDF, ou directement en local,autour de quatre axes prioritaires : éducation, insertion professionnelle, inclusion–solidarité et environnement–biodiversité. Pour l’instant, en région, la majorité de nos partenariats concernent des associations de la Métropole Aix-Marseille-Provence car c’est là que nous avons la majorité de nos salariés mais notre ambition est de coopérer avec des associations de toute la Région. Une enquête interne a montré que 43 % des salariés d’EDF sont investis dans une association, que ce soit dans le cadre de l’entreprise ou dans leur sphère personnelle. C’est assez remarquable car la moyenne nationale est de 25 %. Notre plateforme d’engagement « Human Pacte » a pour but d’identifier et de valoriser ces salariés. C’est également un moyen d’engager de nouvelles personnes qui ne le faisaient pas par manque d’informations ou de temps et d’orienter les bonnes volontés vers des initiatives sociales et solidaires.
Quelles sont les actions d’engagement citoyen menées avec les collaborateurs ?
Tous les partenariats que nous mettons en place doivent permettre l’implication des salariés d’EDF, que ce soit sous la forme du bénévolat ou du mécénat de compétences. Notre enjeu est de développer les deux aspects à la fois pour encourager l’engagement dans toutes ses formes.
Dans l’axe insertion professionnelle nous coopérons avec des associations qui recherchent des parrains pour accompagner leurs bénéficiaires. Nous avons une trentaine de salariés impliqués auprès des adhérents du PLIE. Nous sommes partenaire de deux opérations portées par l’Apec, ‘‘SésAme Jeunes Talents’’ et ‘‘Talents Seniors’’. Je suis moi-même à mon cinquième parrainage et nous sommes en train de travailler à des actions en partenariats avec les missions locales, Pôle Emploi (Un Parrain, Un Emploi).
Sur l’axe éducation, la Fondation EDF porte un partenariat national avec l’Institut Télémaque. Quatre salariés parrainent des jeunes localement. Notre objectif est d’engager cinq parrains ou marraines supplémentaires. Nous avons beaucoup de salariés qui interviennent dans des collèges et des lycées pour présenter les métiers d’EDF et participer à des jurys scientifiques. Certains parrainent des mini-entreprises dans le cadre d’Entreprendre pour Apprendre. Il s’agit d’une initiative phare qui a un impact fort sur les jeunes que nous avons pu voir fortement évoluer après une année de projet. Par ailleurs, nous accueillons de nombreux stagiaires de 3e issus de quartiers prioritaires. C’est également une action sur laquelle nous avons des objectifs ambitieux.
Dans l’axe inclusion/solidarité, nous réalisons des missions de partages de compétences avec Pro Bono Lab pour aider le renforcement et le développement de structures à finalité sociale. Dans le même esprit, mais à l’attention des start-ups, nous avons créé, avec mes homologues d’autres grandes entreprises du territoire (Airbus, ST, etc.) dans le cadre de l’association Espace Mapp , le projet Talents et Territoires qui permet aux salariés de nos entreprises d’aider à résoudre, sur des formats courts, des problématiques de start-ups. Nous sommes en train de nouer un partenariat avec Emmaüs Connect pour que nos salariés puissent contribuer à sensibiliser les personnes en situation de grande exclusion à l’usage aux outils numériques. Cette initiative s’associe à une action de collecte, de recyclage et de dons de téléphones portables. Suite au soutien financier de la Fondation EDF à l’Institut Paoli-Calmettes, nous avons décidé localement d’en faire une action de santé pour nos salariés avec des collaboratrices qui se sont engagées comme ambassadrices pour mener des actions de prévention et de sensibilisation pour le dépistage du cancer du sein. Elles font des interventions auprès des salariés et nos médecins et nos assistantes sociales coopèrent avec les spécialistes du centre anti-cancer.
Enfin nous avons un axe environnement/biodiversité au sein duquel nous souhaitons développer de nouvelles coopérations avec des associations spécialisées dans ce champ d’action. Nous avons par exemple d’ores et déjà des salariés qui participent à l’Odyssée Massalia, une course en eau libre qui associe des gestes éco-responsables comme la collecte de déchets. La tenue dans notre région du congrès mondial UICN va être une belle opportunité pour imaginer des actions impliquant nos salariés
Quelles sont les motivations et les avantages à pratiquer du mécénat de compétences ?
La fierté d’appartenance que cela crée ! Le sentiment d’utilité et de sens. Même lorsque, parfois, on traverse des phases compliquées qu’on connaît tous dans nos organisations, cela permet de renforcer l’adhésion des salariés. Ils sont reconnaissants envers leur entreprise de leur permettre de s’engager. Je suis intimement convaincu que cela influe de façon positive sur leur performance, leur bien-être et leur équilibre. D’ailleurs, lorsque l’on fait une mission pro bono, au début, les gens sont toujours inquiets de ce qu’ils vont pouvoir apporter à l’association. A la fin de la mission, ils sont unanimement ravis et impatients de renouveler l’expérience. Nous avons des salariés tellement motivés qu’ils sont prêts à s’engager sur leur temps personnel. Et, pour l’employeur, c’est une façon de voir les salariés dans un autre contexte. On découvre des talents et des compétences humaines !
J’ai, moi-même, parrainé une personne en recherche d’emploi dans le cadre de l’opération ‘‘Talents Seniors’’ de l’Apec. Je n’avais jamais passé autant de temps en accompagnement. La personne était très compétente, mais il était très difficile pour elle à décrocher des entretiens et ceci depuis plus d’un an. Mon accompagnement consistait à la soutenir moralement et lui faire bénéficier de mon réseau professionnel. Pendant une année, tous les quinze jours, nous étions en contact. La personne réussissait à obtenir des entretiens mais les réponses négatives se succédaient. C’était très dur. Quand elle m’a finalement appelé pour me dire qu’elle était prise, j’étais presque aussi content qu’elle. Je suis très heureux d’avoir pu contribuer, à mon niveau, à la réussite et à la réinsertion de cette personne. Ce sentiment de satisfaction, tous les salariés qui ont participé à une action solidaire, en font l’expérience ! Nous faisons régulièrement témoigner des salariés engagés. Leur parole est toujours très forte. On peut les sentir vibrer. Cela donne indéniablement envie aux autres d’en faire l’expérience ! La pertinence est évidente pour l’entreprise en termes de performance. En contribuant à l’équilibre des salariés, ces derniers sont encore plus épanouis professionnellement.
Quels sont les freins rencontrés dans la mise en oeuvre du pro bono ?
Je ne le ressens pas comme ça car nous arrivons à faire bouger les choses par étapes. La difficulté est parfois la réticence de certains managers qui sont un peu moins ouverts à le faire sur le temps de travail. Mais des vrais freins, je n’en vois pas vraiment. Dernièrement, j’ai eu l’occasion avec mon équipe de présenter la politique d’engagement dans une instance qui réunit tous les directeurs et managers régionaux. Après les témoignages de sept salariés qui se sont impliqués pour des causes et dans des formats différents, tous les managers présents étaient impressionnés et semblaient convaincus. Dès que l’on fait preuve de pédagogie, que l’on explique comment ça fonctionne et que l’on montre la plus-value de ces engagements, cela fait bouger les lignes.
Quelle est votre perception du territoire de la Métropole Aix Marseille Provence ?
L’emploi est un enjeu majeur du territoire ! C’était d’ailleurs le thème de la dernière Probono Factory. En lien avec cette problématique, il faudrait aussi travailler sur la mobilité qui constitue souvent une difficulté importante pour les personnes en recherche d’emploi. Après nous sommes dans une très belle région avec de beaux ouvrages et une nature magnifique. Nous allons intégrer prochainement le Congrès mondial de la nature de l’UICN. La protection de l’environnement et la biodiversité, sont aussi des enjeux clés pour Marseille. Nous avons encore beaucoup de choses à faire évoluer en termes de comportement. Par ailleurs, il y a déjà beaucoup d’initiatives sur l’ensemble du territoire qu’il faut aider à se développer !
Quelle est votre perception des collaborations entreprises/ structures de l’économie sociale et solidaire ?
Nous travaillons avec de nombreuses structures de l’économie sociale et solidaire et le fait que nos salariés s’y engagent ne fait qu’approfondir nos liens avec elles. Notre plateforme « Human Pacte » va permettre d’approfondir ces collaborations. On ne cesse, par ailleurs, d’apprendre à mieux se connaître. Les missions avec Pro bono Lab par exemple permettent de mieux comprendre le fonctionnement et les enjeux des associations.
Je pense que beaucoup d’entreprises ont déjà des partenariats avec des structures de l’ESS ! Pour celles qui hésiteraient, vous pouvez commencer par le bénévolat [implication des salariés sur leur temps personnel]. C’est une façon d’appréhender l’intérêt que cela a pour les salariés et pour l’entreprise. C’est un moyen d’aller progressivement vers le mécénat de compétences. Je fais partie des personnes convaincues qu’en encourageant les salariés à s’engager à titre privé ou dans le cadre du travail, c’est leur permettre de contribuer à une cause externe, valorisante et qu’au final c’est aussi profitable pour l’entreprise.