L'actus
du Pro Bono
Les Pays de la Loire : un territoire qui joue collectif, avec Jenna Leclercq
entretien avec Jenna Leclercq, Directrice Ouest Atlantique au sein du réseau Les Entreprises pour la Cité (LEPC)
Manon Philippe
21 janv. 2021
Dans le cadre de l’étude territoriale « Comment les entreprises s’engagent-elles en faveur du territoire des Pays de la Loire ? », réalisée par Pro Bono Lab et dont les résultats viennent d’être publiés, Jenna Leclercq, Directrice Ouest Atlantique du réseau Les Entreprises pour la Cité (LEPC), nous livre sa vision du pro bono sur le territoire, complétée d’un regard sur la crise sanitaire, sociale et économique du COVID-19.
Quelle est la mission du réseau Les Entreprises pour la Cité ?
Les Entreprises Pour La Cité est un réseau d’entreprises engagées présent sur tout le territoire national, regroupant un ensemble de dirigeants qui sont convaincus que pour être performant et développer son entreprise, il faut que son environnement se porte bien lui aussi. Fondé en 1986 par Claude Bébéar, fondateur du Groupe AXA, nous sommes implantés en Ouest-Atlantique depuis 2012. Nous accompagnons nos entreprises membres dans leur engagement social et sociétal : nous les aidons, par exemple, à créer leur fondation, à développer leur politique inclusion… Nous travaillons avec des grands groupes, et également avec des plus petites entreprises.
Notre association porte plusieurs thématiques d’expertises fortes :
L’égalité des chances dans l’éducation et l’inclusion numérique ;
L’accès à l’emploi, et une fois dans l’emploi, la diversité. On parle de plus en plus d’inclusion, de comment chacun trouve sa place ;
Le mécénat et les investissements citoyens.
Ainsi, notre mission est d’accompagner nos entreprises membres selon 4 modes d’actions :
Inspiration : par des événements, des ateliers benchmark, des échanges de bonnes pratiques, des groupes de travail… ;
Production : étude, mesure d’impact sur des thématiques diverses. Nous nous appuyons sur les bonnes pratiques des entreprises du réseau ;
Mobilisation : des entreprises et de leurs collaborateurs sur des actions d’intérêt général ;
Accompagnement : à travers de la formation, de la sensibilisation et des missions de conseil. Notre ambition est également d’être une ressource pour les entreprises membres, lorsqu’elles ont des questions sur des thématiques (conseil et formation, sexisme, handicap…). Un vrai lien de confiance s’est créé. Si on ne peut pas répondre aux sollicitations, on se tourne vers d’autres partenaires.
Quelles sont selon vous les motivations et avantages à aller vers le pro bono (bénévolat/mécénat de compétences) ?
Notre réseau soutient et accompagne le mécénat d’entreprises depuis de nombreuses années avec une conviction forte : le mécénat et les investissements citoyens sont des leviers de valeur ajoutée et de performance (y compris économique) pour chaque entreprise citoyenne.
Nous encourageons le mécénat de compétences auprès de nos entreprises membres et certaines d’entre elles ont développé une stratégie de mécénat au niveau national comme BNP Paribas et son million d’heures d’engagement par exemple. De façon générale, les collaborateurs sont assez enclins à s’engager et nous n’avons pas de difficulté à les mobiliser sur des créneaux d’une ou deux heures.
Les générations actuelles ont tendance à de moins en moins dissocier l’engagement dans la vie personnelle et celui dans la vie professionnelle. Elles sont en quête de sens et le mécénat de compétences proposé par l’entreprise peut clairement jouer en faveur des enjeux de marque employeur et la capacité à faire venir et garder les talents. Les actions mises en place dans le cadre du mécénat de compétences permettent en effet de développer de nouvelles compétences, de travailler avec d’autres personnes, d’autres structures, sur d’autres problématiques qui peuvent être sources de satisfaction pour le collaborateur.
Concernant le mécénat de compétences de fin de carrière, le dispositif est fortement bénéfique pour les associations, surtout lorsque les subventions connaissent une tendance à la baisse. Ce dispositif permet d’avoir des talents qu’on ne pourrait pas se permettre de recruter. Néanmoins, il peut y avoir un véritable choc des cultures à l’arrivée du collaborateur. En effet, le milieu associatif est souvent totalement inconnu pour le nouvel arrivant en mécénat de compétences ; il est donc nécessaire de prévoir du temps pour l’accompagner dans ses nouvelles fonctions. Une période d’immersion pourrait être imaginée. Elle serait à mon sens vraiment bénéfique et permettrait, en autre, de rencontrer les équipes, d’observer et comprendre les sujets.
Selon moi, même si les entreprises ne sont pas encore toutes engagées en faveur du mécénat de compétences, elles vont toutes, à un moment ou un autre, en ressentir le besoin ou l’envie.
Quels en sont les limites et les axes de progression ? Quel avenir pour le pro bono selon vous ?
A mes yeux, l’engagement du dirigeant sur le sujet du pro bono est un véritable facteur de succès et facilite la mobilisation des collaborateurs : plus le dirigeant y croit, plus les collaborateurs s’engagent.
D’autre part, nous remarquons que ce sont souvent les mêmes profils de collaborateurs qui interviennent en mécénat de compétences. Même lorsqu’une plateforme numérique pour favoriser l’engagement des collaborateurs existe, l’ensemble des salariés n’en a pas forcément connaissance et ne s’en saisi donc pas nécessairement. Il est donc important, voir indispensable que des relais humains existent en interne, que des volontaires puissent accompagner toujours plus de collaborateurs vers cet engagement.
Enfin, les stratégies de mécénat doivent être claires et bien formalisées afin d’être comprises par tous. Ce n’est pas toujours le cas et cela ne permet pas aux collaborateurs de bien identifier les engagements pris par l’entreprise. L’ensemble des parties prenantes de l’entreprise doit être sensibilisé !
Quelle est votre perception des rapports Entreprises / ESS ?
Sur le territoire des Pays de la Loire, il existe de nombreux acteurs ayant une finalité sociale. Si les associations arrivent assez bien à créer du lien avec les entreprises « classiques », et notamment celles ayant une entité parisienne qui permet de créer des partenariats au niveau national avec les grosses entreprises, il existe assez peu de lien entre les entreprises « classiques » et celles de l’ESS. On retrouve effectivement souvent les mêmes acteurs et il y a très peu de lien « business » entre les deux. Si les entreprises de l’ESS semblent assez fermées dès lors que la notion de « business » est abordée, cela pose problème quant à leur changement d’échelle. En effet, celle-ci s’opère très souvent en partenariat avec les entreprises.
Et votre perception du territoire des Pays de la Loire ?
Nous sommes plutôt implantés sur Nantes, même si nous pouvons agir sur la totalité du territoire.
Les Pays de la Loire est un territoire très bien maillé, avec des acteurs qui peuvent être sur des zones d’influence proches mais qui ont une grande capacité à travailler ensemble : c’est une chance ! En effet, la capacité de travail collaboratif est très présente et il y a une vraie recherche de synergies entre les acteurs. C’est un territoire attractif et beaucoup d’antennes nationales se développent à Nantes pour répondre à un besoin.
D’autre part, la notion d’ancrage territorial est très présente aujourd’hui pour les entreprises qui cherchent de plus en plus à créer du lien sur leurs territoires d’implantation. Ici, en Pays de la Loire, il y a un réseau de dirigeants engagés, fort et très présent qui permet des interactions entre le territoire et les entreprises.
De mon point de vue, la faiblesse réside dans le fait que les acteurs s’appuient sur leur mode de fonctionnement bien établi et ont tendance à rester dans leur zone de confort, ce qui les empêche parfois de tester de nouvelles collaborations innovantes.
A Nantes, les problématiques liées aux quartiers ressortent beaucoup, on a tendance à oublier un peu trop d’autres thématiques comme le handicap par exemple. Il faudrait aussi travailler sur la problématique des métiers en tension, du recrutement… Le taux de chômage sur notre territoire est assez faible mais dans les quartiers, il est très fort. La question de l’inclusion est traitée en silos alors qu’il serait bénéfique de tendre vers un pilotage plus global de cette problématique.
Pour finir, quel regard portez-vous sur la crise sanitaire du COVID-19 ?
Il me semble prématuré aujourd’hui de tirer des conclusions sur les conséquences de cette crise sanitaire et de ce confinement inédit.
Nous avons pu observer beaucoup de résilience et d’adaptation au sein des entreprises et acteurs de l’ESS du territoire (réorganisation de l’outil de production pour fabriquer du matériel pour les personnes en première ligne, dons financiers / en nature, réorganisation du travail, adaptation aux contraintes, mise en place de mécénat de compétence de salariés auprès d’association pour assurer notamment, la continuité éducative ou l’accompagnement vers l’emploi…). Mais comment vont-elles se comporter à la reprise face à l’urgence économique ?
Va-t-on aller vers plus d’engagement des entreprises auprès de ses parties prenantes ou vers un recentrage autour de son activité première et sa survie économique ? Comment les acteurs de l’ESS, pour beaucoup fragilisés, vont passer ce cap ?
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