L'actus
du Pro Bono
Synthèse 2023 : Les jeunes et l’engagement
L’engagement des jeunes, une utopie ? On défriche le vrai du faux en s’appuyant sur les dernières études et revues publiées sur le sujet.
Pro Bono Lab
11 oct. 2023
« Les jeunes n’y croient plus, ils sont désengagés, leur engagement est volatile… » La jeunesse, quel que soit ce que désigne le terme, fait toujours autant parler d’elle, et rarement en bien regrette Salomé Saqué dans son livre « Sois jeune et tais-toi ». L’engagement des jeunes, une utopie ? On défriche le vrai du faux en s’appuyant sur les dernières études et revues publiées sur le sujet.
MYTHE : On ne retrouve pas les jeunes dans les formes conventionnelles de participation politique et sociale
Le recul de l’engagement des jeunes dans les voies conventionnelles (désaffiliation politique avec le déclin du vote, de l’adhésion à un parti politique ou syndicat) est une tendance récurrente et observable depuis déjà plusieurs années. Aller voter est de moins en moins automatique pour les jeunes de moins de 30 ans qui s’orientent vers un vote intermittent. En 2017, moins d’un électeur sur cinq de moins de 29 ans avait voté aux deux tours de l’élection présidentielle, et 82% des 18/35 ans n’avaient pas voté aux dernières élections régionales en juin 2021, confirmant une abstention en progression à chaque élection.
Toutefois, en 2023 certaines formes d’engagement politique plus traditionnelles (adhésion aux partis politique, participation à des manifestations) ont effectué leur grand retour. Le début de l’année 2023 a notamment été marqué par plusieurs journées de mobilisation et de contestation contre la réforme des retraites. 28% des 18-30 ont participé à une manifestation ou à une grève, d’après le dernier baromètre DJEPVA. La grande surprise, c’est que ce chiffre a progressé de 7 points comparé à l’année 2022 ! L’enquête confirme même que ce sont les jeunes qui se sont le plus mobilisés : 17% des plus de 30 ans ont participé à une grève ou une manifestation, et 20% des personnes d’âge actif (31-59ans) contre 28% chez les jeunes de 18-30 ans.
Enfin, la signature d’une pétition ou la défense d’une cause sur internet, un blog ou un réseau social – qui demeure l’implication citoyenne la plus répandue – concerne 40 % des 18-30 ans contre 32 % des 31 ans et plus.
MYTHE : Les jeunes s’engagent de moins en moins en associations.
Le niveau d’engagement bénévole chez les jeunes est important et même vital pour le bon fonctionnement des associations. L’implication des jeunes en association est croissante puisque 46% d’entre eux déclarent avoir fait partie ou participé à au moins une activité d’une associations sportive, culturelle ou encore politique en 2023, contre 43% en 2021 ou 42% en 2020. (INJEP baromètre DJEPVA 2023 & 2021). C’est une tendance qui semble s’ancrer dans le temps. L’étude menée par France Bénévolat en 2018, démontrait déjà que les jeunes tiraient l’engagement associatif avec une progression de 33,6%entre 2010 et 2016.
L’engagement bénévole est particulièrement important chez les plus jeunes, notamment la tranche d’âge 18-24 ans. 26% des jeunes de 18-30 ans s’engagent régulièrement, c’est-à-dire une fois par mois pour une association. En revanche, seuls 15% des 31 ans et plus s’engagent régulièrement. Après 60 ans, l’engagement progresse avec le passage à la retraite, mais il reste légèrement en dessous des niveaux constatés chez les jeunes (INJEP baromètre DJEPVA 2023).
A noter : Il s’agit d’un phénomène relativement récent, l’enquête IFOP sur les Français et le bénévolat montre une très nette diminution du bénévolat associatif des 65 ans et plus entre 2010 et 2023 (de 38% à 25% pendant cette période). La même enquête fait état d’une progression de l’engagement des 15-34 ans pendant la même période (de 16% en 2010 à 25% en 2023).
MYTHE : La jeunesse constitue un tout homogène
Tandis certains jeunes cumulent plusieurs engagements associatifs et citoyens, d’autres restent en retrait. L’engagement associatif est plus fréquent chez les plus diplômés, 45% de diplômés du supérieur ayant donné bénévolement de leur temps, contre 38% des titulaires d’un niveau de bac ou inférieur. Les étudiants (44%) et les jeunes en emploi (43%) sont davantage bénévoles que les jeunes au chômage (25%), tandis que le don de temps à une association est plus fréquent chez les jeunes en couple ayant des enfants (59% sont bénévoles dans une association contre 29% des célibataires sans enfants). Attention, ces disparités sont observables dans les formes d’engagement formelles, où les jeunes sont le plus susceptibles de conscientiser et de valoriser leurs expériences d’engagement.
Parler « des jeunes » peut donc être très réducteur. La jeunesse ne constitue pas un groupe homogène avec des réalités, des trajectoires et des envies similaires. Une enquête de l’Institut Montaigne ( Une jeunesse plurielle – enquête auprès des 18 – 24 ans, Institut Montaigne, février 2022) souligne trois clivages : le sexe et le genre, le capital culturel. Elle distingue notamment quatre profils de jeunes : les démocrates protestataires, les désengagés, les révoltés et les intégrés transgressifs. C’est donc avec prudence qu’il faut utiliser le terme « jeunesse ».
REALITE : L’engagement des jeunes se manifeste dans d’autres espaces de temps de vie et pas seulement sous la forme d’un bénévolat formel
L’engagement hors organisation s’est accentué, notamment chez les jeunes et les femmes. D’après l’étude Recherches & Solidarités (Mai 2022), celui-ci a progressé de 6 points en début de 2022 passant de 18 à 24% chez les jeunes de moins de 35 ans.
Ce type d’engagement peut prendre la forme de mouvements sans organisation comme Extinction Rebellion, l’utilisation de réseaux sociaux ou l’aide aux personnes en dehors du cercle familial mais aussi des formes d’engagement protestataires et non affiliées à un groupe telles que le boycott, l’occupation de lieux. « Les jeunes les plus actifs dans le bénévolat sont aussi les plus engagés dans les autres formes de participation à la vie publique comme les manifestations, les grèves ou les sit-in » (Guisse, Hoibian, dans la synthèse engagement des jeunes INJEP, 2016). « On peut ainsi considérer cette forme d’engagement, libre et spontanée, comme une sorte d’échauffement et d’initiation, qui pourrait éventuellement bénéficier aux associations. Toujours est-il que cette démarche est à considérer comme un signe fort de solidarité et de citoyenneté qu’il faut encourager. » note le rapport.
Enfin, le baromètre DJPEVA (2023) mesurait pour la première fois les actions de désobéissance civile (occupation ou blocage de lieu, décrochage de portraits). 18 % des jeunes déclarent avoir participé à une action de ce type, tandis que ce mode d’action est très peu prisé par les plus de 30 ans (4 %).
REALITE : Les jeunes cumulent une multitude de domaines d’engagement
Près de la moitié des jeunes bénévoles sont engagés dans plusieurs domaines. L’engagement « multidomaines » concerne 48% des jeunes bénévoles. Le sport est toujours en tête des domaines d’engagement des jeunes (26% indiquent donner du temps au moins une fois par mois), suivi de la jeunesse et l’éducation (20%), puis de la santé, la culture et les loisirs et le domaine du social et de la solidarité (16%). (INJEP baromètre DJPEVA 2023).
A noter :
Les jeunes semblent également plus préoccupés par les questions environnementales que les générations précédentes, mais ces fortes préoccupations ne se traduisent pas par un engagement plus important dans les associations de défense de l’environnement. En 2023, seuls 13% des jeunes bénévoles consacrent régulièrement du temps à une organisation agissant dans ce domaine. Cependant, les jeunes empruntent d’autres modes d’action tels que la sensibilisation de l’entourage, la signature de pétitions, le boycott de marques ou entreprises. 14% des 15-25 ans déclarent avoir déjà participé à une marche pour le climat et 8% indiquent avoir pris part à une action de désobéissance civile pour lutter contre le changement climatique d’après l’ADEME.
REALITE : Les jeunes s’engagent avant tout pour les contacts et les échanges avec leurs pairs et les bénéficiaires
D’après l’étude Recherches & Solidarités (mai 2022), les principales sources de satisfactions citées par les jeunes dans l’activité bénévole sont les suivantes : Le contact et les échanges avec les autres (72%) ; Être dans l’action, efficace et utile (64%) ; L’épanouissement personnel (33%) ; La découverte d’un nouvel univers (25%). On retrouve sans surprise le contact et les échanges avec les autres comme source principale de satisfaction chez les jeunes bénévoles suivi du fait d’être utile. Il y a donc une réflexion importante à avoir sur la dimension collective de l’engagement chez les jeunes.
Les attentes en matière de reconnaissance et de valorisation du bénévolat sont également de plus en plus en fortes : d’après la dernière étude Recherches et solidarités ( La France Bénévole en 2023), 60% des bénévoles de moins de 35 ans souhaiteraient la valorisation de leur engagement bénévole dans le cadre de leurs études ou de leur parcours professionnel.
Contrairement à ce que certains discours pourraient laisser penser, les pratiques d’engagement et de bénévolat des jeunes se sont renforcées au cours des dernières années. Les jeunes s’impliquent mais le font différemment, en dehors des partis et des organisations politiques plus traditionnelles. Manifestations, mobilisation sur les réseaux sociaux, engagement associatif, le moyen de faire citoyenneté prend simplement de nouvelles formes.
Sources & ressources pour aller plus loin :
-Moral, état d’esprit et engagement des jeunes en 2023, (2023), INJEP
-Baromètre DJEPVA sur la jeunesse, (2021), INJEP
- Une jeunesse plurielle, enquête auprès des 18-24 ans, (2022), Institut Montaigne
