L'actus
du Pro Bono
Reconnaître (vraiment) les compétences de parent
(1/3) Être parent, c’est du boulot et c’est exigeant ! Jour après jour, on développe de véritables compétences. Pourtant, celles-ci sont peu reconnues dans les parcours professionnels. Comment agir pour mieux les valoriser? Comment faire changer les mentalités ?
Pro Bono Lab
28 mai 2020
▷ Auteure : Véronique d’Estaintot, spécialiste en psychologie de la décision, Fondatrice d’Au fil de vos choix
(1/3) Pro Bono Lab a organisé, en 2019, un Pro Bono Explorers Parentalité pour mieux explorer les compétences des parents, en partenariat avec Allianz Partners. Ce programme a été mené avec Véronique d’Estaintot, spécialiste en psychologie de la décision et fondatrice d’Au fil de vos choix, qui fait le point sur la situation et nous donne des pistes de réflexion… et d’action !
Quelle place pour la parentalité sur un CV ?
Savoir désamorcer un conflit, se remettre en question, faire preuve d’empathie, avoir le sens de l’écoute, faire confiance… voilà quelques « soft skills » dont on lit partout qu’elles sont les compétences du XXIe siècle. Quand on est parent, on a mille occasions de les exercer, ces compétences comportementales si utiles pour la vie professionnelle !
Il serait donc légitime que puisse figurer en bonne place sur un CV une rubrique « expérience de parent ». Mais, avant d’en arriver là, quel chemin à parcourir pour faire bouger les mentalités et les pratiques de recrutement ! Pourtant, la vie de parent est émaillée de problèmes à résoudre et de tâches diverses à effectuer : elle requiert de mettre en œuvre, dans l’action, des connaissances, des savoir-faire et des comportements, ce qui est le ressort même du développement des compétences. Cette expérience enrichit donc un parcours, au même titre que d’autres qu’il est recommandé de mettre en avant sur son CV, comme les engagements associatifs ou les activités sportives. Comment justifier alors que sa contribution ne soit pas mieux reconnue ? La question se pose d’autant plus que ses enjeux sociaux ne sont pas négligeables : avoir conscience de ses compétences et savoir qu’elles sont reconnues rend plus confiant dans ses capacités à s’insérer sur le marché de l’emploi… et donne plus d’assurance pour exercer son rôle de parent !
Mettre en évidence des « compétences cachées » : comment ?
La difficulté consiste à identifier ces compétences, à les nommer, à en prendre la mesure. Les premiers à convaincre sont peut-être les parents !
Jusqu’à récemment, la question de la valorisation professionnelle des « compétences de parent » se posait surtout pour les femmes qui avaient choisi de se rendre plus disponibles pour leurs enfants pendant quelque temps… en d’autres termes, de devenir « femme au foyer ». Au moment d’envisager un retour à l’emploi, comment valoriser tout ce temps consacré à la vie familiale et aux activités connexes ? Que faire de cette expérience si riche mais non reconnue sur le plan professionnel ? Tout l’art consistait à savoir présenter astucieusement son parcours, en valorisant les compétences acquises tout en prenant soin de rester crédible. En réalité, à l’heure des CV par compétences et des parcours professionnels atypiques, on ne peut que reconnaître le caractère précurseur de la démarche !
Pour révéler l’intérêt professionnel de ces compétences, une autre approche consiste à mettre des parents en situation de les exercer hors du champ de leur vie privée : c’est la démarche sur laquelle s’appuie l’expérimentation menée avec Pro Bono Lab, en partenariat avec Allianz Partners. En effet, en montrant que des salariés-parents peuvent aider une association à résoudre une problématique professionnelle en s’appuyant sur leurs compétences de parent, n’est-ce pas un moyen pour en faire reconnaître la valeur et le caractère transférable ?
Des compétences, oui, mais dans quels registres ?
Bien que de plus en plus d’entrepreneurs témoignent de la façon dont leur expérience de parent les aide dans leur vie professionnelle, la nature même des compétences liées à la parentalité reste encore mal appréhendée et leur diversité sous-estimée.
L’une des raisons tient probablement au fait que les activités exercées au foyer, aujourd’hui tant par les pères que les mères, sont méconnues et peu valorisées. Parler des compétences de parent renvoie naturellement aux compétences liées aux soins et à l’éducation de l’enfant, dites « compétences parentales » (1). Par conséquent, le champ d’expérience considéré comme légitime et pertinent a tendance à rester confiné au registre des métiers de la petite enfance, comme le montre la démarche de Validation des Acquis de l’Expérience (VAE) évoquée par Marlène Schiappa. Il y a un véritable défi à relever pour faire changer les représentations !
En effet, la vie de parent est intrinsèquement une expérience qui contribue à développer des compétences dans des registres multiples avec, notamment, des similitudes évidentes entre les compétences managériales et celles qui s’exercent dans la sphère familiale.
Et si, grâce au pro bono, on se donnait les moyens de faire bouger les lignes ?
▷ Visuel : Gosia Herba pour Quartz at Work
▷ Auteure : Véronique d’Estaintot, spécialiste en psychologie de la décision, Fondatrice d’Au fil de vos choix
(1) Catherine Sellenet appelle à utiliser avec prudence le terme « compétence parentale », qui peut être perçu comme l’expression d’une exigence qui renvoie à des normes et à un jugement de valeur porté par les professionnels sur les capacités des parents (Approche critique de la notion de « compétences parentales », La revue internationale de l'éducation familiale 2009/2 (n° 26), pages 95 à 116)