L'actus
du Pro Bono
Comment accompagner au mieux les associations dans leur recherche en compétences ?
Laurence Armand, Présidente de Passerelles & Compétences, Juliette Rowling, Responsable du programme Fonds de Compétences chez Pro Bono Lab, et Christine Patoux Gavaudan, Chargée de mission chez Caire 13 nous apportent des éléments de réponse.
Manon Philippe
11 avr. 2023
Pro Bono Lab a souhaité engager cette réflexion dans un contexte où les structures associatives font face à des défis majeurs et ont des besoins en compétences croissants. Ainsi, 87% des associations interrogées dans le cadre d’une étude menée par le Collectif des Acteurs de l’Engagement (2022), indiquaient que les missions d’engagement menées par les volontaires étaient essentielles pour pérenniser leur activité. Cependant 41% d’entre elles citent le fait de trouver les compétences et expertises dont elles ont besoin comme une difficulté dans la réalisation de missions d’engagement. Ce chiffre fait particulièrement échos à nos observations du terrain : les associations peuvent avoir des difficultés à qualifier leurs besoins, à mobiliser et à fidéliser des volontaires qui cherchent plus que jamais des modalités d’engagement flexibles.
Des besoins récurrents à combler
Quels principaux besoins rencontrent les associations ?
Né du double constat que les associations manquent de compétences idoines leur permettant d’avancer et que beaucoup de personnes souhaitent s’engager sur leur temps libre, Passerelles & Compétences effectue la mise en relation entre les deux parties prenantes et accompagne les associations depuis maintenant 20 ans. Les besoins associatifs, c’est donc un sujet que l’organisation connaît bien ! Pour Laurence, présidente de Passerelle & Compétences la tendance est plutôt claire : « Les compétences liées à la recherche de fonds sont particulièrement plébiscitées. Le mécénat financier est devenu plus exigeant, les subventions se font désormais rares, ce qui est complexe à appréhender pour les associations ». Dans la même logique, les demandes liées à la communication au sens large se sont accrues. Des compétences indispensables non seulement pour faire connaître un projet associatif, mais aussi pour recruter des bénévoles et attirer des financeurs. Enfin, les besoins liés à la gouvernance sont récurrents, Passerelles & Compétences a d’ailleurs créé depuis deux ans, un programme d’accompagnement spécifique qui cible le renouvellement des conseils d’administration. « Quelle que soit la mission l’objectif est d’aider les associations à se professionnaliser et à se développer avec l’aide de bénévoles qui apportent leurs compétences et des expertises pointues. »
Une ambition que partage Pro Bono Lab. Pour venir en aide aux associations à la recherche de compétences, Pro Bono Lab a mis en place depuis 2021 une expérimentation, Le Fonds de Compétences. Ce programme d’accompagnement repose sur la mise en relation de volontaires et d’associations, sur la réalisation de missions de conseils. Il couvre quatre thématiques : La communication, la stratégie, le développement et la levée de fonds, les ressources humaines. Ce sont les besoins récurrents, et les plus difficiles à combler qui ont été identifiés après une étude menée auprès de 250 associations.
Au-delà des domaines d’expertises, il faut souligner que la question de la temporalité et de la récurrence est très prégnante dans l’expression des besoins associatifs. 30% des associations déclarent souhaiter un engagement d’une durée de 6 mois à un an, et 55% d’une durée de plus d’un an (Collectif des Acteurs de l’engagement). « Il peut y avoir un décalage entre les attentes des associations qui souhaitent des engagements longs pour répondre à leurs besoins et la réalité. Chez Pro Bono Lab nous n’avons aujourd’hui pas d’offre structurée pour l’accompagnement long terme » souligne Juliette.
Et du point de vue associatif ? On a posé la question à Caire 13, association œuvrant pour la prise en charge des travailleurs indépendants malades du cancer pendant leur parcours de soin et lors de la reprise du travail. Au quotidien, Christine, chargée de mission, anime une communauté de plus de 50 bénévoles. Elle identifie deux types de besoins ; ceux liés directement aux bénéficiaires, qui ont besoin de conseils et d’expertises pointues (droit, administratif) ; ceux liés au fonctionnement de l’association. Sans surprise, le développement et la levée de fonds sont des besoins prioritaires.
Quels formats et quelles modalités pour les missions d’engagement ?
Accompagnement en distanciel sur des missions de conseil (sessions d’échanges entre association et volontaire, échelle temporelle de 2 à 3 mois), journées ponctuelles d’intelligence collective, rencontres et échanges de bonnes pratiques entre associations : il existe une grande variété de formats d’engagement. « Le bénévolat et l’engagement s’apprécient au sens large. Engagement individuel ou collectif, ponctuel ou récurrent, sur des fonctions supports ou terrain, sur un temps plus ou moins long, tout est possible. L’important c’est que le format réponde au besoin initial, d’où l’importance de bien déterminer en amont ce besoin » assure Juliette.
En revanche, on fera bien la distinction entre le bénévolat de compétences (engagement des bénévoles sur leur temps libre) et le mécénat de compétences (engagement des volontaires sur leur temps de travail). Le mécénat de compétences est en effet une opportunité de susciter plus d’engagement et de lever une réticence importante des volontaires liée au manque de temps personnel pour devenir bénévole.
Même son de cloche chez Passerelles & Compétences : « Les missions sont souples et flexibles, elles s’adaptent aux besoins des associations et à leur disponibilité ». Christine, chargée de mission nous donne son retour sur les différents formats d’accompagnement dont elle a pu bénéficier chez Passerelles & Compétences et Pro Bono Lab. Variés, ils ont répondu à des besoins et thématiques précis (de la stratégie d’essaimage à l’aide à la rédaction pour un appel à projets). « Ce qui est précieux c’est la relation de soutien et de confiance qui s’instaure entre l’association et l’accompagnateur. Mais la durée des formats d’engagement, la préservation et l’animation de la relation sur un plus long terme sont des axes d’amélioration. »
Le diagnostic des besoins, un prérequis pour une missions d’engagement réussie ?
15% des associations citaient en 2021 la hiérarchisation des besoins de missions, la formulation des missions, et l’identification de leurs besoins de missions comme des difficultés et freins rencontrés dans le recours à l’engagement (Collectif des Acteurs de l’engagement). « Chez Passerelles & Compétences, le diagnostic des besoins est la base de l’accompagnement que nous proposons. C’est un temps d’introspection et de réflexion qui est essentiel pour ne pas passer à côté des vrais sujets. Nous sommes là pour aider les associations à structurer leur démarche et à bien poser leur besoin. On aide à cibler, on aide à faire, mais c’est l’association qui fait. »
Passerelles & Compétences et Pro Bono Lab partagent un plaidoyer commun : le diagnostic représente de la valeur en tant que tel, il autorise une prise de recul et un regard extérieur précieux pour les associations.
C’est un outil qui permet de s’assurer que les besoins soient mis en perspectives avec la situation de la structure à un instant donné : « On identifie si le ou les besoins sont pertinent à traiter en bénévolat de compétences, les sujets prioritaires. On augmente ainsi les chances de mise en œuvre des préconisations faites » souligne Juliette. Une plus-value indéniable pour les associations « Nous avons parfois des difficultés à solliciter sur des besoins très précis, nous le faisons de manière un peu trop chaotique » reconnaît Christine (Caire 13).
Accompagner les associations : les ingrédients du succès
« La simplicité de l’accompagnement est indispensable : il faut que cela soit efficace et prenne le moins de temps possible » Christine, chargée de mission Caire 13.
Le gain de temps est essentiel pour rendre accessible le mécénat et bénévolat de compétences, en particulier pour les petites associations. Pour ces dernières, le facteur temps reste un des principaux freins dans la recherche de bénévoles et la réalisation des missions d’engagement. « En prenant le temps en charge on cherche à favoriser l’accessibilité. Nous assurons le cadrage de la mission, la publication des fiches missions, la recherche de volontaires, le suivi et la réception des livrables. Ces étapes sont chronophages pour les associations et peuvent les décourager à se lancer dans la recherche de volontaires » illustre Juliette.
De plus, il faut s’assurer que les associations soient dans de bonnes dispositions pour tirer un maximum profit d’un dispositif d’accompagnement : elles doivent pouvoir dégager de la ressource en interne pour mener à bien la réflexion sur les besoins en compétences, être disposées à se questionner pour mettre en place les préconisations. La structure doit donc être dotée d’un certain niveau de maturité.
Enfin, sensibiliser et responsabiliser toutes les parties prenantes est un vrai sujet. Passerelles & Compétences propose aux bénévoles d’élaborer une feuille route lorsqu’ils mènent à bien une mission, afin d’officialiser leur engagement et de poser un cadre rassurant à la mission. Cela s’applique également aux associations : « On vérifie que la structure soit bien en capacité d’accueillir le bénévole. Elle doit pouvoir dégager du temps pour cela. Il faut que les volontaires aient les conditions requises pour être à l’aise dans l’exécution. C’est cela la clé de la réussite ».
Quelques ressources utiles
L’engagement citoyen en France, où en est-on ? (2022), Collectif des acteurs de l’engagement
Quelle est la différence entre mécénat de compétences et pro Bono ?